Patrouille matinale [PV Foudry]

C'est le printemps, les odeurs de fleurs et de feuilles qui renaissent embaument l'air. Il fait beau quoique encore un peu humide. Il venait de pleuvoir et les plantes portaient encore quelques gouttes d'eau permettant de le prouver. Une jeune chatte s'ébroua au contact de l'une d'elle. Une autre, derrière, qui lui ressemblait énormément et devait être sa sœur, frissonna. Elle était de moins en moins sûre d'elle. Elle ralentissait à vue d'œil et avait de plus en plus peur de leur idée. Il venait de pleuvoir, elles auraient pu y aller à un autre moment. Mais sa sœur était très, très têtue. Tant pis. Les deux arrivèrent devant la berge d'une rivière et s'arrêtèrent. La première ronronna et décida d'y aller la première. Aujourd'hui, elles allaient ramener une proie inédite, un poisson! Elles fit trois pas dans l'eau. L'onde glacée la fit frissonner mais elle se concentra sur sa tâche pour oublier la sensation de froid. Trouver un poisson. La petite chatte avança un peu plus. Et tout à coup, le drame. Un poisson était passé au moment où une de ses pattes se posa sur le lit de la rivière. Pile dessus. Elle glissa. Le courant commença à l'emporter. Elle n'arrivait pas à garder la tête hors de l'eau, elle suffoquait. Elle tenta d'avaler désespérément une grande goulée d'air. De l'eau remplaça l'air. Elle était en train de se noyer. Puis, un bruit. Des éclaboussures. Une force la tira hors de l'eau et la jeta sur la berge désespérément. Une odeur au passage. Sa mère. La petite chatte atterrit lourdement sur le sol sec et vomit l'eau avalée. Elle releva la tête et vit sa mère dans l'eau. Ses yeux brillaient d'admiration. Sa mère venait de la sauver, une héroïne. Puis, la tête disparut sous l'eau. La petite apprentie qu'elle était à ce moment-là comprit. Elle hurla le nom de sa mère de toutes ses forces. Rien à faire. Sa mère venait de mourir noyée devant ses yeux pour la sauver. Son cœur se brisait en mille morceaux. Puis, espoir. Le corps de sa mère ressortait de l'eau. Mais ce corps flottait, sans vie.

Je me réveillai soudainement, le souffle court, le cœur battant la chamade. L'image du corps qui flottait restait gravée devant mes yeux. Elle mit un temps à partir. Je fermai les yeux pour ne pas pleurer. Maman... Tu es morte par ma faute. J'ai eu l'idée la plus débile du monde et par ma débilité tu es morte. Ma sœur aura beau dire que c'était un accident, que tu savais nager dans tous les cas, qu'on ne pouvait pas savoir, ça n'y change rien, pour moi, c'est de ma faut. Maman... Je tremblais. Je m'assis lentement, la queue enroulée autour des pattes, les yeux toujours fermés, le temps de me calmer. Les respirations régulières de mes camarades et l'obscurité me clamèrent lentement. Cela faisait plusieurs lunes que je ne faisais plus ce cauchemar. C'était dur pour moi de le revoir d'un coup. Tête baissée, je restais dans ma position sans bouger. Ne plus penser. Se vider l'esprit. Je suis la lieutenante du Clan des Roches. Le passé est le passé. Je donne tout pour mon clan. J'ai été choisie par Étoile du Soleil pour le seconder. Ce n'est pas pour rien. Mais dans ce cas, c'est pour quoi? Aujourd'hui encore, je me pose la question. Je ne comprends pas pourquoi moi. Je ne suis pas la meilleure guerrière, pas la plus aguerrie, je ne suis même pas originaire de ce clan. Je suis une adoptée, une rescapée. Aujourd'hui encore, des guerriers ne m'acceptent pas comme membre de leur clan. J'ai provoqué une guerre. Même si j'ai réussi à l'arrêter, je l'ai quand même déclenchée. Je ne fais que des catastrophes. Je n'ai même pas confiance en moi. Et j'ai peur de l'eau. Une chose toute simple de rien du tout. Alors, pourquoi moi? Bah, on me dit que j'ai des qualités que je ne vois que des défauts. C'est sûrement pour ça que je ne comprends pas.

La luminosité augmentait petit à petit. Il ne faisait plus nuit donc. J'ouvris les yeux. C'était l'aube. Allez, debout! Je sors de la tanière des guerriers. Il faut organiser la patrouille de l'aube. Je décide d'y participer. Je prends quelques guerriers avec moi. Juste avant, on mange un morceau pour se donner de la force et on y va. Je prends un campagnol. Tout en le mangeant, je réfléchis. Plus question de penser au cauchemar de cette nuit, plus question de montrer ses doutes. Ce n'est pas le moment. Aujourd'hui, je dois me concentrer sur mes tâches et me donner à fond dedans, comme tous les jours. Alors, où vais-je emmener la patrouille? Bonne question. Peut-être à la plaine gravilloneuse. D'abord il faut que j'aille prévenir Étoile du Soleil de notre départ, il voudra peut-être se joindre à la patrouille pour un moment. Comme je suis déjà dedans, ça m'étonnerais qu'il veuille y participer. Mais, bon, après tout, ça peut être pas mal, cela fait longtemps qu'on n'avait plus patrouillé ensemble.

Je me lève et fais une toilette rapide. Poitrail, pattes avant, tête, flancs, pattes arrières, queue. Toujours le même ordre. Mais je n'ai pas de temps à perdre à toiletter ma queue, je ferais ça à notre retour s'il n'y a rien à faire. Je m'ébroue pour me donner un peu d'énergie et je cherche mon chef du regard. En le cherchant, je ne peut m'empêcher de repenser à mes questions. Pourquoi moi? Bah, tant que j'ai le niveau et que je suis à la hauteur en tant que lieutenante. Enfin, je le trouve. Je décide d'aller vers lui en trottinant pour m'échauffer les quelques muscles qui ne seraient toujours pas réveillés. Une fois devant lui, je remue les oreilles en salutation.

- Bonjour Étoile du Soleil. Je vais emmener la patrouille de l'aube. Tu veux venir avec nous?

Simple phrase basique mais je me demande pourquoi j'ai posé cette question. Après tout, j'étais à la base venu pour le prévenir que j'emmenais la patrouille, point final. De toute façon, je ne me suis jamais comprise moi-même. A croire que je ne comprends rien.