Nous cheminons au milieu des arbres du Bien et du Mal - à la recherche de la Lumière. | feat. Ombre de l'Aurore

Ombre de l'Aurore s'éveilla à l'aube, s'étira gracieusement quelques secondes avant de sortir de la Tanière. Le soleil levant faisait briller ses pupilles et semblait s'y refléter. Elle balaya des yeux le camp presque silencieux, saluant silencieusement quelques camarades déjà debout. Une envie grandissante de bouger s'empara de ses pattes et son estomac commençait à crier famine. La chatte noire décida alors de partir à la chasse, et de rapporter quelques proies avant que le Clan entier ne sorte de sa torpeur nocturne. Une irrésistible envie de leur montrer encore une fois qu'elle était la meilleure grandit au fond de son cœur et son instinct de chat sauvage s'éveilla. Fidèle à elle-même, elle sortit comme une ombre du camp. Et sitôt dehors, tous les sens en éveil, elle partit en chasse. La forêt nourrirait bien le Clan aujourd'hui.

La guerrière s'élança, ses pattes noires comme la nuit en avant, les étirant au maximum pour allonger ses foulées. Elle rit quelques secondes avant de redevenir inexpressive. La forêt c'était son domaine et elle s'y sentait vraiment heureuse. Tant que tout allait bien. Elle ralentit à l'approche d'un châtaigner, et dut s'esquiver d'un bond rapide pour éviter qu'une bogue ne tombe sur sa jolie tête. Heureusement, l'écureuil perché sur la branche du bas ne l'avait pas aperçue. Elle était silencieuse, comme toujours. Seulement l'ombre de la forêt. D'un bond, la chasseresse atteignit ladite branche et sa proie couina de surprise et de peur mêlées. Elle s'enfuit sur quelques centimètres mais n'eut pas pas le temps de remonter sur la banche supérieure avant que la prédatrice ne le fauche d'un coup de patte et l'assomme devant elle. Elle termina le travail d'un rapide coup de crocs, puis redescendit, sa première prise à la gueule qu'elle enterra au pied d'un bouleau, juste à côté. Il était le seul aux alentours proches, elle le retrouverait ainsi sans même avoir à réfléchir.

Ombre de l'Aurore s'enfonça un peu plus loin dans la forêt et aperçut le Chemin de Feuilles. Elle le longea, n'ayant pas besoin de plantes, et allait s'en écarter lorsqu'elle aperçut une forme grise qui n'aurait pas dû être là. Par chance la brise, bien que faible, soufflait vers elle. Des effluves de chat ennemi s'insinuèrent alors dans ses narines et la guerrière banda ses muscles, prête pour la bataille. Ce chat allait voir ce qu'il en coûtait de s'introduire sur le territoire du Clan de la Forêt. Elle s'approcha, tendue, et bondit brusquement sur son ennemi, l'envoyant valdinguer contre un arbre. Elle ne s'aperçut même pas que le matou chétif était complètement sonné. Le Clan des Roches... On disait parfois que leurs cœurs étaient aussi secs que les pierres usées par les vents de leurs terres. La chatte noire cracha :
- Je vais être gentille. Tu as le temps de vingt battements de queue pour sortir de mon territoire avant que je ne t'étripe.

L'ennemi avait l'air mal en point, mais Ombre de l'Aurore s'en fichait. Tout ce qui importait, c'était qu'il quitte son territoire, qu'importe l'état dans lequel il le faisait. Et il avait intérêt à se dépêcher. Elle battait le sol de sa queue avec impatience, geste rare chez elle, la guerrière la plus impassible du Clan. Mais ici elle savait que cela ne la désavantagerait pas, vu l'adversaire, peut-être même que ça l'impressionnerait, en lui montrant qu'elle était prête à se battre. Ce qui était le cas. Elle en avait même envie. Et quand le petit chat parla, avec le ton des faibles, elle prépara ses muscles à la bataille mais, par politesse, l'écouta tout de même.

- Je ne suis pas une menace pour ton Clan, Ombre de l’Aurore. A vrai dire, pour le moment, j’ai plus l’impression que c’est toi qui en représente une pour moi… et pas des moindres.

Légèrement surprise que cet avorton connaisse son nom, bien qu'elle n'en laissa rien paraître, elle se rappela vite l'existence des Assemblées et se dit qu'elle avait dû le croiser un jour. Peut-être avait-il simplement une bonne mémoire. Puis elle ricana doucement. Bien sûr qu'elle était une menace pour lui, surtout s'il ne bougeait toujours pas! Elle attendrait la fin du compte à rebours pour bondir, elle tiendrait parole. Mais la moitié du temps était déjà écoulée...

- Je suis Patte de Fougère, le guérisseur du Clan des Roches. Je sais que tu me connais, ne serait-ce que de vue ; il faut dire que je suis plutôt grand.

Oui effectivement, elle se rappelait de lui maintenant. Et elle comprenait mieux ce qu'il venait faire ici. Plus que six battements de queue... Et après tu verras ce qu'il en coûte de voler le Clan de la Forêt! Mais elle resta impassible, comptant seulement dans sa tête, impatiente de bondir.

- Mon territoire, malgré sa beauté sèche, ne dispose pas d’autant de plantes que je le voudrais. Je suis donc venu ici, à la frontière, dans le but de trouver ce qu’il me manquait. Je ne pensais vraiment pas avoir dépassé la ligne avant que tu me sautes dessus pour me rappeler à l’ordre.

Oui, et bien, va-t-en tout de même tu n'as rien à faire ici... Ses muscles tendus à se rompre, elle commença à s'aplatir, vu que le guérisseur ne daignait toujours pas bouger d'un poil. C'est alors qu'il recula, une patte après l'autre, jusqu'à retourner chez lui, juste à temps. Elle eut l'impression qu'il la provoquait. Et cela empira lorsqu'il eut le culot de déclarer:

- Tu vois? Je ne cherche vraiment pas les ennuis. Simplement de quoi être utile à mon Clan, exactement comme toi, comme n’importe quel chat fidèle.
- Tu insinues quoi par là? Que n'importe quel chat loyal, ou que moi, je vole? cracha-t-elle.

Elle se rapprocha de la frontière, d'un pas raide, tellement elle était crispée. Elle s'approcha jusqu'à sentir son haleine sur son museau et plongea son regard dans ses pupilles émeraudes, puis lui dit, dans une sorte de murmure, comme lorsqu'on confie un secret:

- Tu ne fait pas l'unanimité dans ton clan, il me semble, petit chat... Personne ne te pleurerait si tu disparaissais en voulant voler un Clan... Alors, maintenant, va-t'en!

Elle resta plantée là, à même pas une queue de souris de la frontière. Et elle ne bougerait pas tant qu'il serait là aussi. Déterminée, les yeux plein de haine, elle ne quitta pas non plus son regard. Mais brusquement, elle y vit autre chose. Et un frisson imperceptible parcouru son corps. Elle ne voulut rien laisser paraître, mais une pointe d'hésitation l'envahit. Elle espéra de tout cœur qu'il ne voie rien et s'en aille, comme n'importe quel chat sensé le ferait. Ils se faisaient face, comme deux statues postées de part-et-d'autre de la limite olfactive créée par les deux clans. Deux ennemis...

HRP: